Les notes émouvantes de la « Valse de la Sensée » s’élèvent au cœur du cimetière militaire du Faubourg d’Amiens à Arras, lors de la Grande Veillée. Cet air qui nous a accompagnés pendant toutes les commémorations du centenaire de la Grande Guerre, on le doit à Omar Yagoubi. Ce compositeur et pianiste virtuose, né à Lens, d’un père algérien et d’une mère polonaise, est l’incarnation d’un mélange culturel, tissé au travers de l’histoire du Pays d’Artois.

Le Pays d’Artois, source d’inspiration

À 20 minutes d’Arras, Omar Yagoubi nous accueille dans son « océan de verdure », en face de la pisciculture du moulin du Roy, à Rémy.

Le murmure de la Sensée berce la vie de celui qui est revenu sur ses terres natales après une carrière internationale. La rivière coule au bout du jardin de ce grand manoir centenaire, construit par le baron d’Herlincourt, à qui l’on doit également le château d’Eterpigny, juste à côté. Dans cette propriété acquise par sa famille l’année de sa naissance, en 1957, il trouve l’inspiration dans la nature qui l’entoure


« J’ai parcouru le monde, visité 39 pays, et j’ai la chance immense aujourd’hui d’habiter ici. »

Arras, où tout commence

La musique, « ma maîtresse la plus exigeante car elle ne supporte pas la médiocrité », l’a appelé à l’âge de 7 ans.

Passé par le Conservatoire de Douai, il donne, à 17 ans, son premier récital à la salle des concerts d’Arras. « Ce fut un énorme succès, la salle était pleine. C’était le 17 mars 1975 et j’aimerais y fêter mes 50 ans de carrière, le 17 mars 2025. » Repéré par le grand maître Aldo Ciccolini, qui sera son « mentor pendant plus de 30 ans », il est nommé meilleur soliste français à l’âge de 29 ans aux Victoires de la Musique pour la création mondiale des œuvres de Jean Wièner.

On ne se lasse pas de l’écouter jouer un air de Liszt, Debussy, Ravel ou Satie… et nous raconter les belles rencontres inattendues de sa vie : son amitié avec Nougaro, sa transcription des 12 hymnes nationaux de l’Europe pour piano solo, repérée par François Mitterand, mais aussi un poème symphonique pour Thomas Pesquet, commande de l’agence spatiale européenne en 2017.

L’âme slave d’Omar Yagoubi

Poloniae Anima, pour piano solo, cet œuvre reflète l’âme slave d’Omar Yagoubi.

« Comme mon nom ne l’indique pas, je suis d’origine polonaise par ma mère, Christine Zarzycki. J’ai voulu donner à cette œuvre les rires et les pleurs propres à ce pays slave. Elle est dédiée à ma grand-mère, Héléna, arrivée en France en 1920. »

Virtuose touche-à-tout

Il est joué en Russie en Ukraine, au Japon, au Canada ou aux États-Unis.

Ses œuvres ont été choisies par de grands interprètes tels Aïko Miyamoto, Bogdan Nesterenko, Marie-Joseph Jude et de grands orchestres comme l’Orchestre National de Lille ou celui de Kyoto. Il se joue des codes et des genres, tel un sorcier de la création musicale. Parmi ses 109 œuvres, un Stabat Mater, des symphonies et oratorio, des concertos pour piano, accordéon, violon ou percussions, de la musique de chambre, des œuvres pour piano solo, des musiques de films ou des chansons.


« Je compose ma musique et j’écris comme on plante un arbre. Pour laisser une trace, de la vie dans la vie, une racine. »

Un sorcier de la musique

Le Grimoire Harmonique, 8 études pour piano

Elles sont « l’embryon de mes œuvres orchestrales. Ces études commencées en 1975 et terminées en 1984 sont le fil conducteur de mon inspiration musicale. » Avec une inspiration puisée dans « Le Seigneur des Anneaux » !

Petit-fils de bâtisseur

Ses racines sont le reflet de notre histoire régionale. Son grand-père Djelloul Yagoubi, arrive d’Algérie en 1914, enrôlé parmi les tirailleurs algériens.

Il sera, après la guerre, embauché à la Compagnie des mines d’Ostricourt, puis crée la première entreprise de travail temporaire pour les houillères de la région. L’histoire serait trop longue à raconter ici, mais sachez que lorsque vous empruntez l’A1 entre Carvin et Lille, vous roulez sur l’une des nombreuses réalisations du grand-père d’Omar, qui fut aussi résistant, et oeuvra toute sa vie à aider les travailleurs Nord-Africains du Nord-Pas de Calais.

La Valse de la Sensée

Ce trio à cordes, composition originale pour piano, alto et violoncelle, est l’hymne officiel des Chemins de Mémoire 14/18. Il a été joué lors de la Grande Veillée, le 11 novembre 2018, au Cimetière militaire du Faubourg d’Amiens.

Lorsque la Région et la ville d’Arras lui ont demandé de composer pour les Chemins de la Mémoire 14/18 et le Centenaire de la Grande Guerre, celui qui est « l’enfant de trois cultures, algérienne polonaise et française » y a vu évidemment « la plus belle des manières d’honorer la mémoire de mes ancêtres. C’est pour moi une oeuvre unique et captivante.»

L’Adieu aux Armes

Cette symphonie, « l’un de ses plus beaux souvenirs », a été créée lors d’une résidence d’un an avec les musiciens du Conservatoire d’Arras et jouée au Casino d’Arras par 120 musiciens et choristes.

Elle se compose de 4 mouvements : « Sarajevo », « La Marche de la Vitalité », « La Veillée », et la « Cantate au diapason », inspirée du poème de Guillaume Apollinaire, « Si je mourais là-bas ».

Pour en savoir plus sur Omar Yagoubi